Existe-t-il une influence du schéma de latéralité sur les goûts, les centres d’intérêt, la façon d’entrer en relation avec les autres, de réagir aux situations ?
La réponse est oui !
Mais cette réponse est un peu complexe.
Aujourd’hui les travaux de recherche venant apporter des explications sur le lien entre latéralité et affectivité sont encore peu nombreux.
La science a pu néanmoins mettre en évidence dans des modèles animaux que les réactions au stress ont une composante de latéralité qui est lié au sexe : mâles et femelles n’ont pas, à la base, la même latéralité, ni la même réactivité.
Il semblerait que cela joue un rôle dans la mise en place de comportements importants dans la reproduction que sont l’agressivité et la séduction.
Chez les humains l’observation clinique (à travers des questionnaires par exemple) montre une grande importance du schéma de latéralité dans l’affectivité.
Mais attention, il faut se souvenir que des mémoires de traumatisme peuvent fortement colorer la personnalité des individus. Les lignes qui vont suivre ne sont naturellement que des généralités, le schéma de latéralité n’étant pas le seul déterminant de l’affectivité des individus.
Des centres d’intérêts variés
L’étude du schéma de latéralité montre en premier lieu et sans surprise que l’hémisphère dominant les fonction cognitives est lié à des centres d’intérêt spécifiques.
Les enfants à tendance droitier/cerveau gauche sont globalement plus attirés par les activités nécessitant de la logique, de la mémoire, des apprentissages étape par étape. Cela n’exclue pas les activités artistiques, mais qui seront abordées plus volontiers par leur coté habileté technique.
Les droitiers cognitifs étant majoritaires, le système scolaire s’est adapté en se conformant à leurs attentes et à leurs besoins.
Les enfants à tendance gaucher/cerveau droit sont globalement plus attirés par les activités nécessitant de la créativité, des compétences émotionnelles, des apprentissages par bond. Cela n’exclue pas les disciplines scientifiques, mais elle seront abordées plutôt par leur coté créatif.
Les gauchers sont minoritaires, mais fort heureusement les enseignements d’aujourd’hui tendent vers des pratique « multimodales » qui ont plus de chances de leur correspondre.
Les enfants au schéma de latéralité complexe ont souvent des centres d’intérêt très divers ou qui se situent entre ces deux pôles.
(On parle souvent de « multipotentiel » et parfois de « haut potentiel intellectuel » mais ce qui nous intéresse ici c’est des savoir comment cela se manifeste dans les relations sociales puis dans l’insertion professionnelle)
L’enjeu est alors de leur offrir de nombreuses occasions de se développer dans toutes les directions et de les soutenir dans leurs difficiles choix d’orientation.
Pour nuancer cela, il est bon de faire une remarque à propos d’une chose très intéressante à constater.
Il existe une propension des enfants à chercher à compléter leurs compétences par des activités qui ne leurs sont pas forcément d’une abord facile.
Par exemple un enfant très versé vers les connaissance scientifiques va subitement demander à se confronter à une activité artistique. Inversement un enfant très artiste va subitement demander à jouer aux mots croisés.
Cela fait en réalité partie du mécanisme de coordination. Devenu adulte, ses compétences se seront non seulement resserrées autour des activités qu’il préfère, mais aussi élargies à d’autres domaines d’un abord a priori moins évident.
Pragmatisme versus empathie
La dominance cognitive joue sur la façon dont l’enfant (mais aussi l’adulte) va réagir émotionnellement aux situations.
La dominance gaucher/cerveau droit stimule l’hémisphère en charge de la prise de décision. Cet hémisphère est fortement relié à aux notions de contexte et de mémoire affective (le souvenir des choses qui ont été agréables ou désagréables dans le passé). C’est pourquoi ces enfants montrent des qualités élevées d’empathie, de sensibilité, et d’intelligence émotionnelle.
La dominance droitier/cerveau gauche stimule l’hémisphère en charge de la planification de l’action. Cet hémisphère est fortement lié aux notions d’analyse et de mémoire procédurale (le souvenir de ce qui a fonctionné dans le passé).
C’est pourquoi ces enfants montrent des qualités de pragmatisme, de capacité à raisonner et d’intelligence logique.
Les enfants au schéma de latéralité mixte se situent entre ces deux pôles. Il n’est pas rare de les voir s’intéresser à des activités mêlant le besoin de sensibilité et d’empathie avec la nécessité de faire preuve de sang froid et de logique, comme dans les soins aux animaux, les engagements associatifs, les groupes de parole…
Homme/femme et droitier/gaucher
Les choses se compliquent lorsque l’on analyse la façon dont se décline l’affectivité des individus liée au schéma de latéralité selon qu’ils sont de sexe masculin ou féminin.
Comme il est dit plus haut, il semble bien que le sexe biologique influe sur la latéralité.
Par exemple chez le chat, le geste d’attraper une souris se fait avec la patte gauche chez la plupart des mâles et avec la patte droite chez la plupart des femelles.
Comment cette latéralité instinctive se combine-t-elle avec le schéma de latéralité des fonctions supérieures ?
Le yin et le yang de la latéralité
On peut définir comme yang les tendances suivantes : extérieur, actif, compétitif, agressif …
On peut définir comme yin les tendances suivantes : intérieur, affectif, coopératif, conciliant .
La masculin est plutôt yang, le féminin et plutôt yin.
Mais chez les gauchères et les droitiers la tendance s’inverse.
Il en résulterait quatre combinaisons du plus yang au plus yin.
Dans un monde majoritairement peuplé de droitiers et de droitières (au sens du schéma de latéralité, pas selon la main qui écrit)
les rapports entre filles et garçons, hommes et femmes seraient de façon schématique gouvernés par les stéréotypes classiques que sont le « masculin » (qui aime les activités d’extérieur, ne refuse pas une certaine dose de violence, aime séduire par des attributs réputés masculin), et le « féminin » (qui préfère les activité d’intérieur, n’aime pas se résoudre à la violence, aime séduire par des attributs réputés féminins).
Mais les gauchers et gauchères ne se retrouveraient pas dans ces stéréotypes.
La gauchère : elle aime les activités d’extérieur, peut facilement prendre l’initiative en cas de conflit, ce qui lui vaut d’être traitée de « garçon manqué ». Dès son enfance pendant laquelle elle aime bien les « jeux de garçon » on lui fait facilement sentir qu’elle n’est pas à sa place. Elle essaye de s’en accommoder mais son coté « cerveau droit » ultrasensible en est très facilement blessé.
Une gauchère serait donc une « amazone au cœur artichaut ».
Le gaucher : il aime les activités d’intérieur, sait se montrer conciliant en cas de conflit, ce qui lui vaut d’être traité de « fillette ».
Dès son enfance pendant laquelle il aime volontiers « jouer avec les filles » on lui fait facilement sentir qu’il n’est pas à sa place.
Il essaye de s’en accommoder, mais son coté « cerveau droit » ultrasensible en est très facilement blessé.
Le gaucher serait un donc un « doux au cœur d’artichaut ».
Neurodiversité de l’affectivité
Dans l’entre-deux du schéma de latéralité mixte se trouvent des individus qui se reconnaissent un peu dans les deux tendances.
Ils et elles jonglent entre des représentations et des pulsions plus ou moins contradictoires, ce qui n’est pas toujours de tout repos. En outre ces personnes peuvent présenter un haut potentiel intellectuel, et se reconnaitrons alors dans le livre de Jeanne Siaud-Facchin « Trop intelligent pour être heureux ».
Lorsque l’on pratique le bilan de latéralité sur de nombreux individus, l’on finit par constater qu’il existe un continuum de l’affectivité qui va du yang de yang au yin de yin en passant par de nombreuses formes intermédiaires.
La prédominance des droitiers et droitières dans la population, qui se reconnaissent assez facilement dans les stéréotypes de genre véhiculés par la norme sociale, ne doit pas nous faire oublier que ces stéréotype n’ont aucune valeur pour de nombreux individus.
Le bilan de latéralité est aujourd’hui un point de départ à la compréhension de soi-même qui peut épargner beaucoup de souffrance.
Par exemple en cas de dysphorie de genre (la sensation d’appartenir au genre opposé à son sexe biologique), le schéma de latéralité révèle souvent un schéma de latéralité atypique qui peut apporter une explication à ce ressenti et ainsi une meilleure acceptation de soi.
Le harcèlement scolaire dont sont encore trop souvent victimes les enfants au schéma de latéralité atypique est un fléau. Expliquer à l’enfant et à ses camarades comment il ressent les choses apporte beaucoup d’apaisement.
S’intéresser au schéma de latéralité c’est ouvrir une porte vers la compréhension de l’affectivité liée à la neurodiversité, un voie vers plus de tolérance.